Jardin de la Sauvagine

Jardin de la Sauvagine
Tableau de A.W Delobelle

dimanche 12 janvier 2014

Pourquoi ? Les Ch’tis, vous connaissez ? texte de Daisy Demoor sur des photos de Roland Clerc

POURQUOI

Les premières lueurs de l’aube s’infiltrent dans mon terrier.
 Wow ! Il fait frisquet ce matin. Après ma virée nocturne, j’ai bien fait de ne pas m’endormir à la belle étoile !
Prudemment, je pointe mon museau dehors : la neige tant attendue est tombée en abondance. Il me faut quitter la sécurité de mon abri pour partir en chasse : des tiraillements d’estomac m’indiquent clairement que l’heure du déjeuner a sonné. Mon instinct m’incite à rester sur mes gardes. Je suis souvent, trop souvent le Mal Aimé, le prédateur, le nuisible qu’il faut exterminer.


© Roland Clerc

Les naturalistes, des fabulistes et des écrivains m’ont cependant pris comme référence dans leurs écrits. Saint-Exupéry… ah, celui-là ! Quel ami inconditionnel ! Il m’a compris comme beaucoup d’amoureux de la nature avec qui j’ai créé des liens solides.
 Ceux-là savent que toutes les espèces interagissent entre elles, qu’elles forment une chaîne essentielle à la vie.


© Roland Clerc
Tout semble calme dans les environs. Sous ma douce fourrure chaude et soyeuse, j’avance avec la plus grande méfiance, humant les senteurs de cette fin de nuit. Dans son infinie bonté, la Nature m’a doté d’un excellent odorat. Quel sera mon menu ? Un lapin de garenne, un mulot, une souris ? Observateur redoutable, je me laisse guider par mon flair toujours en alerte. J’affûte ou je progresse, souplement, silencieusement. Un petit rongeur parcourt les galeries sous la terre ou la neige ? Je ressens les vibrations,
je le suis à l’odeur….. Patience, habileté, rapidité…. Quand il surgira, je serai là. L’attaque sera fulgurante ; je le tuerai net, sans souffrance, d’un coup de dent, avant de l’emporter pour le manger à l’aise.


© Roland Clerc
En été, lorsque je ne trouve pas de nourriture en suffisance pour ravitailler ma progéniture, il m’arrive de chaparder une ou deux poules. Est-ce un crime ? Elles sont là, sans surveillance, à ma portée. Les hommes aussi consomment des volatiles. Il paraît
qu’on en élève par centaines de milliers dans des conditions épouvantables et qu’on les abat à la chaîne. Est-ce vrai ?

Dans ma forêt, je ne peux vérifier ces rumeurs. Info ? Intox ? Les rongeurs dont je me nourris presque essentiellement sont faciles à capturer et possèdent une grande valeur énergétique. J’agrémente parfois mes menus de vers de terre, de larves d’insectes, de fruits et de baies à la belle saison.



© Roland Clerc

En France, nos populations sont nombreuses. Etant donné que nous mangeons, chacun, en un an, entre 6000 et 10 000 petits rongeurs, nous formons de spectaculaires équipes, très efficaces pour réguler la nature. Nous sommes de précieux acteurs de la biodiversité en maintenant un équilibre stable entre les espèces. Imaginez la situation si nous disparaissions : ce sont entre 6 et 10 milliards de souris et de mulots qui pulluleraient dans vos campagnes et vos maisons. La Terre serait envahie de toutes parts, les cultures seraient détruites, les humains connaîtraient des périodes de famine. Une recrudescence de maladies véhiculées par ces rongeurs serait à craindre.
On nous dit curieux, intelligents, rusés, opportunistes, dotés d’une bonne mémoire. Comme vous, en somme !

Pour communiquer avec nos semblables, nous crions, grognons, hurlons, haletons, hoquetons, gémissons. Comme vous, en somme !


Nous éprouvons de la peur, de la joie, nous souffrons. Comme vous, en somme !



 © Roland Clerc

© Roland Clerc
Alors, pourquoi nous poursuivre, nous piéger, nous tuer, vous approprier notre fourrure rien que pour le plaisir ? Pourquoi ?
Mes cousins du Nord de la France vivent la peur au ventre depuis quelques temps. Les Ch’tis, vous connaissez ? Leur sympathique réputation risque d’être sérieusement mise à mal prochainement et les touristes qui trouvent la région très attrayante pourraient choisir un autre lieu de villégiature. S’octroyant le droit de vie et de mort comme les seigneurs sans foi ni loi du Moyen-âge, des chasseurs sans âme ni conscience consacreront le week-end du 22 et 23 février à la destruction massive des renards. Ils réguleront, festoieront ! Des claquements de fusils, du sang maculant la belle toison d’animaux stressés, apeurés, terrorisés, massacrés …. Pourquoi ?
La fin de la saison des amours fauchée par la cruauté humaine, des femelles sacrifiées, des promesses de vie devenues synonymes de mort. De quel droit ? Après les renards, ils s’en prendront à qui ? Aux corneilles ? A toutes les bêtes qui se mettent en travers de
leurs routes ?


© Roland Clerc


4 commentaires:

  1. trop beau , poignant !

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  2. Superbes photos, mais ça on le sait depuis longtemps et très beau texte de plaidoyer pour cette espèce, Daisy!
    Merci pour le partage Eric!

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  3. Un magnifique texte et de superbes photos.
    Moi, je l'aime bien, le Goupil, il est intelligent, débrouillard,courageux.
    Ils ont été décimés à cause la rage et comme il partage souvent son terrier avec le blaireau, ce dernier a payé aussi un lourd tribu la lutte contre cette terrible maladie.
    Je suis anti-chasseurs, je ne comprends pas le plaisir qu'on peut avoir à tuer et encore moins ces tueries et massacres qui ne riment à rien. Les rongeurs font bien plus de dégats que les renards !

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  4. magnifique texte ! j'aime bp le renard et je déteste les chasseurs qui le massacrent - je suis anti-chasseurs .... ce que font les ch'tis en février est horrible - c'est n'importe quoi - le renard est utile et en plus je le trouve TRES BEAU. merci à vous

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